“Bromo”, derrière ce nom aux sonorités de plat italien se cache une des plus merveilleuses fresque que notre voyage en Indonésie a pu nous offrir. Ce bouton d’acné terrestre de 2392 mètres de haut fascine tant par son cratère fumant que par la caldeira désertique du Tengger duquel il s’élève.
Si ce site est l’un des plus visités et attendu par l’ensemble des voyageurs qui parcourent l’archipel indonésien, et s’il existe de multiples agences qui vous faciliteront la vie en vous proposant des packages bien maquillés, il est pourtant possible de contourner les barrières du tourisme organisé pour une expérience plus intime. Le chemin à suivre pour se le permettre semble rebuter certains voyageurs, pourtant, ce n’est guère plus qu’une ville à rejoindre. C’est très simple. Simple, si on ne se trompe pas. Récit d’une galère.
Il est 12h. La gare de Surabaya n’ayant rien à envier à la station Aulnay-sous-Bois de notre chère Seine-Saint-Denis, les quelques warungs et la climatisation du Dunkin Donuts abreuveront votre patience jusqu’au départ du prochain train direction Bromo, annoncé à 15h. Nous profitons donc de ce moment pour vérifier les derniers détails et nous rassurer sur la marche à suivre pour grimper notre volcan préféré. La lecture du Lonely Planet nous rassure, nous pouvons bien faire l’ascension à pieds, par soi-même. Ouf, une jeep bondée de nippons évitée et quelques centaines de milliers de Rupiahs économisés. Si les détails de l’itinéraire sont très, voire trop résumés dans notre cher guide, ce n’est pas le cas de certains blogs de voyageurs qui ont précédé nos traces.
Après avoir parcouru ces petits récits, un site assez tourné côté infos pratiques nous indique de descendre à la gare de Probolinngo, pour ensuite rejoindre le village au pied de la montagne, Cemoro-Lawang, aussi appelé Lawang tout court, qui permet de rejoindre Bromo en moins de trois kilomètres.
Une fois dans le train, nous remarquons en scrutant la carte du Lonely Planet que la distance qui relie Probolinggo à Cemoro-Lawang est plus longue qu’en quittant le train à la station précédente, « Pasuruan ».
Après de multiples interrogations quant au désir du backpackeur de passer plus de temps dans des trains et shuttle bus sans climatisation (pourquoi pas), nous décidons de tenter le coup et sautons du train à Pasuruan.
Il est 18h et la journée de transport dans les pattes, nous logeons à l’hôtel BJ Perdana. Cet hôtel sans charme plutôt haut en standing nous conviendra dans le sens où c’est le seul de la ville. L’hôtesse d’accueil nous informe que les bus pour Lawang partent du bout de la rue toutes les heures environ le matin, et rejoignent le village en à peine une heure. Parfait. Tout roule comme sur des roulettes, demain nous toucheront au but.
Il faut savoir que pour attraper un bus local indonésien, ô sombre ignorant, il ne s’agit pas de s’asseoir à un endroit aléatoire dans la rue indiqué par quelques locaux hésitants, non.
Il s’agit littéralement de sauter au milieu de la route pour forcer le bus à s’arrêter, sans quoi le chauffeur apercevant vos bouilles de babtous fragiles écarlates et luisantes sous les quelques 35 degrés, passera son chemin, majeur levé et rictus assumé.
Avec l’aide d’un mécano du coin étonné de nous voir dans son terter, nous réussissons finalement à nous jeter à l’intérieur du Graal sur roues. C’est l’Aïd, et la fin du ramadan étant l’unique période de vacances de nos chers amis indonésiens, le bus est évidemment complètement bondé. Ce sera un trajet debout, mais nous sommes tout de même accueillis chaleureusement par les personnes âgées qui nous proposent leurs places. Requête évidemment refusée, on est pas des bâtards.
1h30 et un embouteillage plus tard, nous arrivons finalement à Lawang. Un pas en dehors de la carlingue nous hésitons entre soulagement et dégoût. La première vue que nous offre le village est un marché fourmillant et oppressant baignant dans des ordures qui génèrent une odeur à vous pourrir de l’intérieur. Après un haut le coeur, nous nous mettons en quête d’une guesthouse en longeant l’artère principale.
10 minutes, 20 minutes passent…aucun hébergement à l’horizon ! Etrange, on nous avait pourtant prévenu que les lieux où passer la nuit avant le trek florissaient dans le village.
Nous commençons à nous impatienter sous le soleil éclatant, quand soudain une Jeep aux vitres teintées s’arrête à nos côtés. La mafia? Justin Timberlake? Barack Obama? À qui peut donc appartenir ce véhicule jurant avec le paysage désolé de Lawang ? La vitre arrière se baisse finalement. Amateur de films d’action, je m’attends a voir sourire un 44 Magnum nous réclamant nos affaires. La vitre se baisse. C’est juste une japonaise à lunettes qui nous propose de nous déposer un peu plus loin, lorsque nous croiserons un hôtel. Sympa!
Nous faisons donc connaissance de ces adorables nippons, qui semblent tout de même bien étonnés de nous voir loger ici pour l’ascension du Bromo. “Ca fait un peu loin!”, qu’ils disent. Un peu flemmards ces japonais. Trois kilomètres, ce n’est pas le bout du monde!
Arrivés à l’accueil du premier Inn fantôme que nous avons croisé, nous prenons une chambre très basique à 150 000 roupies et partons nous préparer pour le trek. C’est alors que naissent les premières interrogations. Pourquoi est-ce si compliqué de trouver une chambre dans un village transit pour le Bromo? Pourquoi n’avons nous croisé aucun autre voyageur?
Le doute montant en moi comme une fusée, j’active le GPS pour vérifier notre position. J’aperçois le Bromo et le village de Cemoro-Lawang sur Google Maps, plus qu’à vérifier qu’on est bien là, mais le maudit point bleu file tout droit vers la gauche. Loin, très loin du village de Cemoro-Lawang. Pour pointer où? Au village de Lawang pardi!
Influencés par une double erreur, nous nous sommes trompés de ville homonyme, égarés de 200 kilomètres.
En effet, en premier lieu, le blog nous induit en erreur en nous indiquant que Cemoro-Lawang se disait également « Lawang », ce qui est le nom d’une autre ville sur l’île de Java. Bien joué, après tout quand on va à la boulangerie, on nous servira la même pâtisserie si on commande un Paris-Brest ou un Brest.
Ensuite, la carte du Lonely Planet est faussée, elle indique la position de Cemoro-Lawang à la place du village de Lawang où nous nous trouvons en ce moment même.
Or Cemoro-Lawang, c’est au pied du mont Bromo, tout près de Probolinggo. Nous comprenons tout désormais. “Ca fait un peu loin!”, qu’ils disaient. Effectivement, le Bromo est à plus de 2 jours de marche d’ici, sacrée trotte.
La panique nous prend, il faut réagir vite. Il est déjà midi et nous venons de payer une chambre d’hôtel dans un village dont le charme peut être associé à un mélange subtile entre le Havre et Emile Louis. Après nous être fait miraculeusement remboursé par le gestionnaire qui parle aussi bien anglais qu’un argentin de 6 mois, nous nous jetons dans le premier bus direction Probolinggo.
4h de bus annoncées, c’est toujours l’Aïd, et nous sommes toujours debout dans un bus bondé. Fatigue.
Sur le trajet, nous décidons de passer la nuit à Probolinggo car il sera trop tard pour rejoindre la vraie Cemoro-Lawang en arrivant. En chemin je m’occupe de booker une guesthouse via Agoda et finalement nous arrivons enfin à destination.
Probolinggo, c’est laid. La plupart des voyageurs s’y arrêtent en transit pour des départs organisés en Jeep le matin aux aurores, afin d’arriver à temps pour le lever du soleil. Après un quart d’heure de marche, nous arrivons en nage à l’hôtel, vidés de nos forces physiques et mentales mais soulagés d’être enfin sur place. Demain, des bus partiront tôt pour Cemoro-Lawang, on y est presque ! Mais bien sûr, ce serait trop facile…
La guesthouse nous annonce avec dépit que la réservation n’a pas fonctionnée et que l’hôtel est plein. Exaspération.
La nuit commence à tomber et les rues se vident. L’hôtelière nous a malheureusement annoncé que les guesthouses étaient toutes pleines ce soir, les vacanciers affluant par centaines pour assister au spectacle. Il s’agit donc de trouver un moyen d’accéder à Cemoro-Lawang.
Il est 17h, et la plupart des sites d’information indiquent qu’il est impossible de rejoindre Cemoro-Lawang après 15h car le service de public bus n’opère plus. Nous trouvons malgré tout la “bus station” quelques centaines de mètres plus loin, où un indonésien bien affuté en commerce touristique devine facilement à nos faciès mortuaires que nous voulons accéder à Cemoro-Lawang. Il nous propose donc de prendre un shuttle bus qui part bientôt. Nous acceptons volontiers.
Sauf que “bientôt”, en heure indonésienne, ça veut dire “dans 100 000 heures” voire “jamais”. Ca y est je craque, je me lève en furie à la recherche de notre homme, qui avait disparu de la circulation. J’en croise un deuxième qui me propose le même service, mais qu’il faut attendre que le bus se remplisse avant de partir. Ma foi, il est 17h et personne ne prendra ce bus avant demain. Sous la pression, je lui propose de privatiser le shuttle pour deux personnes. 500 000 roupies. J’ai du mal à l’avaler mais OK, nous avons un deal.
Le bus part, et notre angoisse avec. Nous réservons le premier hôtel de montagnards à Cemoro-Lawang, le Sion View Hotel. Le shuttle nous dépose, enfin il est temps de percuter les lits sans draps de notre chambre miteuse et d’oublier cette perte sèche de temps et d’argent. Repos.
Cette journée nous aura poussé hors de nos limites, titillé notre patience et saupoudré d’épuisement. Mais c’est de ce genre de galère dont on se souvient, qu’on raconte le mieux tant on l’a vécue passionnément.
Finalement, tout est parti d’une erreur de lecture, d’une parenthèse fourbe.
Rejoindre Cemoro-Lawang (ou PAS Lawang), c’est très facile. Il suffit de descendre à la bonne station de train, comme tout le monde, c’est à dire Probolinggo, puis de partager un minibus jusqu’à Cemoro-Lawang avant le début d’après-midi. Le Bromo vous ouvre alors sa porte…
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Récit de voyage par Tom Senoyer
Août 2016. Bromo, Ile de Java. Indonésie.
Ah Ah Ah L’indonesie… et encore a Java j’ai trouvé ca plutot facile de se deplacer par soi meme (compare a Bali ou il faut souvent sauter dans un Grab).